Les textes réunis dans ce dossier sont quelques-unes des contributions des membres de ce groupe, dont les travaux complets paraissent en anglais dans un ouvrage intitulé The Worth of the Social Economy : An International Perspective publié chez PIE Peter Lang Publishers. La liste exhaustive des contributions à cet ouvrage est présentée en annexe. Nous avons choisi six des contributions du groupe de travail, soit trois essais et trois portraits nationaux. Les textes qui sont présentés ici sont largement inspirés des chapitres du livre mais ils ont été adaptés en tenant compte du format et du thème de ce numéro de la revue. Les deux premiers textes portent sur la nature du processus évaluatif et sur celle de l’économie sociale.
Dans son article, Bernard Enjolras questionne les fondements normatifs de l’économie sociale ainsi que ceux des politiques publiques afin d’expliquer le caractère souvent paradoxal de l’évaluation des organisations d’économie sociale. Les différents paradigmes utilisés pour qualifier l’économie sociale (échecs du marché et échecs du gouvernement ; économie sociale ; économie solidaire et société civile) peuvent être synthétisés dans trois fonctions des organisations de l’économie sociale : fonction de solidarité, fonction démocratique et fonction productive. La confrontation entre les fondements normatifs de ces organisations (ce qu’elles devraient être idéalement) et ceux des politiques publiques (ce qu’elles visent) révèle les paradoxes de l’évaluation des résultats et des impacts des organisations d’économie sociale.
Bernard Eme s’intéresse aux bases axiologiques et normatives de l’évaluation. Selon lui, les processus évaluatifs devraient continuellement questionner les valeurs et les normes qui sont à leur fondement. L’évaluation visant à rendre compte de la qualité des organisations devrait révéler une pluralité de mondes ou jugements de valeurs qui sous-tendent l’économie sociale et solidaire. Ainsi, l’évaluation est un outil processuel pour une démocratie délibérative, dans le respect des controverses au sujet des valeurs, du sens et des principes de justification de l’économie sociale et solidaire. Or cela nécessite un changement des modes de régulation normatifs de la sphère publique et des politiques, qui ne sont guère enclins, selon l’auteur, à entrer dans des arènes délibératives en laissant une parole égale et légitime à tous les acteurs.